L'athlète perceptif
- Patrick Rivière
- 6 janv.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 janv.
Introduction au concept d’athlète perceptif
Le sportif doit avoir cette capacité de pouvoir ajuster de manière précise la puissance qu’il développe à partir des sensations qu’il ressent durant l’exercice. Le calibrage de l’intensité est réalisé de manière perceptive. L’évaluation subjective permet de quantifier un stimulus par une métrique prédéfinie. Avoir la capacité à calibrer avec une grande justesse l’intensité de l’exercice à l’entraînement et en compétition constitue un déterminant important de la performance car cela intervient directement la gestion des ressources énergétiques.
L’ATHLETE PERCEPTIF | L’ATHLETE PASSIF |
Concentration +++ | X |
Efficacité de la pensée | X |
Equilibre corps-esprit | X |
Perception de signaux subtils | X |
Calibrage de l’intensité de l’effort | X |
Gestion des ressources énergétique | X |
Relâchement +++ | X |
Economie d’énergie | X |
Meilleur gestion de la fatigue | X |
Optimisation de la charge d’entrainement | X |
Les mécanismes permettant que les afférences sensorielles provenant de la périphérie interagissent avec les fonctions mentales supérieures ont été largement étudiés depuis longtemps. Dès la fin du XIXème siècle, William James, propose que les changements qui se produisent au niveau de l’organisme induisent une perception de ces changements (James, 1894). Les travaux récents effectués en neurophysiologie montrent qu’il existe une relation étroite entre le niveau de perception de l’état physiologique celui de cet état par l’intermédiaire d’un traitement cérébral des afférences physiologiques périphériques (Pollatos et al. 2005b).
Mécanismes nerveux responsable de recueillir l’information sensorielle du corps | ||
Récepteurs sensoriels : Convertissent l’énergie reçue du monde extérieur en énergie électrochimique, la seule utilisable par le SNC | Perception : Traitement des données au niveau du cortex | Transmission : Messages afférents de la périphérie vers la moelle épinière ou le tronc cérébral et ensuite vers le thalamus et le cortex |
Les échelles de Borg
Gunnar BORG, Docteur en Psychologie et Professeur Émérite des Sciences psychophysiques et de la perception à l'Université de Stockholm, a commencé ses études de psychologie au milieu des années 1940. Ses premiers travaux sur des mesures d'évaluation subjective de l'effort perçu au cours de tâches avec forte contrainte physique ont commencé en 1958 puis publiés en 1959 avec Hans Dahlström, physiologiste de formation. Borg propose deux échelles. Ces 2 échelles ont évolué dans le temps : RPE (Ratings of Perceived Exertion) et CR10 (categorial Rating 10). Dans le présent article, je présente leurs dernières formes apparues en 1998.
D’après Borg, l’estimation de l’intensité de l’exercice repose sur trois critères :
Perceptif (douleur musculaire et articulaire)
Physiologique (La, pH, FC, Vo2)
Mécanique (force, vitesse, moment angulaire)
L’échelle de Borg « RPE (Ratings of Perceived Exertion) »:
Perception | Remarques | Respiratoire | Lactate |
6 Très, très légère 7 8 | Tenir une conversation | 12 à 15 R/m | -4 mmol/L |
9 Très légère 10 | |||
11 Moyenne 12 | 10 mots | 25 à 30 R/m | |
13 Un peu difficile 14 | 3 mots | ||
15 Pénible 16 | 45 à 50 R/m | 4 mmol/L | |
17 Très Pénible 18 | 1 mot | ||
+ de 60 R/m | +4 mmol/L | ||
19 Très, très pénible 20 | Rien |
L’évaluation subjective quantifie l’astreinte perçue, en particulier celle de la charge physique de travail et de son évolution en fonction de sa durée ou de son environnement. Au cours de certains de ses travaux (1971), Borg avait constaté qu'au point RPE 17 correspondait une fréquence cardiaque (FC) de 170 bpm lors d'exercices de pédalage sur bicycle ergométrique avec augmentation de la charge toutes les 6 minutes chez une population de sujets adultes d'âge moyen, la FC étant reconnue comme un bon indicateur de l'astreinte physiologique au cours d'un exercice. Borg a présenté l’échelle RPE basée sur l’observation qu’au cours d’un exercice allant du repos à l’effort maximum, la FC moyenne d’un groupe de sujets jeunes et actifs varie de 60 à 200 bpm et suit une relation avec RPE de la forme : FC=10xRPE.
L'échelle RPE a donc été construite pour avoir une relation linéaire avec la FC et la VO2 au cours d'un exercice de pédalage pour être étendue par la suite aux exercices physiques de course à pied. Borg reconnait que si cette équation est applicable à des populations, son utilisation individuelle doit rester prudente. En effet, les variations de la FC sont multifactorielles (âge, environnement, état d’anxiété, heure…).
Les scores au RPE étant liés à la FC et à VO2, cette échelle est utilisée comme indicateur de charge physique générale.
L’échelle de Borg « CR10 (categorial Rating 10) » :
Borg à conçu cette échelle en corrélant la difficulté de l’exercice perçu avec la modification de la lactatemie et du pH. En effet certaines variables physiologiques telles que la lactatémie n’évolue pas de façon linéaire au cours de l’effort mais adopte plutôt une croissance de type exponentiel. L’échelle CR10 présente des items qui n’évoluent pas linéairement en fonction de la difficulté perçu par le sportif. Le CR10 est utilisé plutôt pour des perceptions localisées à un groupe musculaire ou à une partie du corps. L’intensité d’une force suit une relation de la forme : Force=CR10x10.
La force (F) est exprimée en pourcentage de la force maximale volontaire (FMV) exercée dans la même posture. Par exemple, un effort jugé 3 au CR10 correspond à une force appliqué égale à 30% de la FMV. Cette relation est utile car elle permet de connaitre une intensité de force de manière subjective (en% de la FMV) donc, sans mesure directe de celle-ci.
Mode d’emploi des échelles de Borg
Traduction littérale des recommandations données au sujet. Echelle de Borg RPE :
Pendant l'exercice vous allez évaluer votre perception de l'effort grâce à cette échelle. Vous évaluez l'intensité de votre effort de combien lourd et éprouvant il est. Votre perception de l'effort dépend principalement du degré d'astreinte ressentie au niveau des muscles ou d'essoufflement voire de la gêne thoracique. Lisez cette échelle du début à la fin où la valeur numérique 6 signifie "pas d'effort du tout" et 20 "effort maximal" ressenti. Par exemple : 9 effort perçu très léger. Pour une personne en bonne santé, cela correspond à une marche lente à son rythme pendant plusieurs minutes. 13 effort perçu un peu dur mais le sujet se sent bien pour le poursuivre. 17 effort perçu très dur. Une personne en bonne santé peut encore le poursuivre mais elle doit alors repousser ses limites. La charge de travail est ressentie comme très lourde et le sujet est très fatigué. 19 effort perçu d'un niveau d'intensité extrêmement fatigant. Pour la plupart, c'est l'exercice le plus fatigant connu jusqu'à ce jour. Essayez d'évaluer votre sensation d'effort en ignorant les données objectives sur les contraintes physiques réelles. Ne les surestimez pas, ne les sous-estimez pas. C'est votre propre sensation d'effort qui est importante, elle ne doit pas être donnée en fonction de celle exprimée par d'autres personnes. Ne tenez pas compte de l'avis des autres. Regardez cette échelle et lisez les expressions verbales associées puis donnez un nombre correspondant.
Des questions ?
Traduction littérale des recommandations données au sujet. Echelle de Borg CR10 :
Nous souhaitons que vous graduiez votre perception de l'effort, de combien il est lourd et fatigant. Votre perception de l'effort dépend principalement du degré d'astreinte et de fatigue ressenties au niveau musculaire ou d'essoufflement voire de gêne thoracique. Mais vous devez tenir compte de vos propres impressions subjectives et non de signaux physiologiques ou de l'actuelle contrainte physique. 10, "extrêmement fort - Max P" est la graduation majeure. C'est la plus forte perception (P) que vous n'ayez jamais ressentie. Il est possible cependant d'imaginer quelque chose de plus fort. Aussi, "maximum absolu" est placé plus bas de l'échelle sans en fixer de nombre défini et marqué par un point. Au cas où vous percevriez une intensité d'effort supérieure à 10, vous pourrez proposer un nombre plus grand. Commencer toujours par lire les expressions verbales puis ensuite choisir un nombre. Si l'effort perçu est "très faible" (ou "très léger"), dire 1 ; s'il est modéré, dire 3, et ainsi de suite. Vous pouvez bien sûr donner des valeurs intermédiaires telles que 1,5 ou 3,5, ou des décimales telles que 0,3 ou 0,8 ou 2,3. Il est très important que votre réponse corresponde bien à votre propre perception et non pas à celle que vous pensez devoir donner, et que vous soyez le plus fidèle possible à votre intensité d'effort perçu sans faire de sur et/ou de sous-estimation.
Application dans le sport :
Durant l’entrainement ou durant une compétition, l’athlète perçoit l’effort d’une manière plus ou moins importante selon l’intensité ou la vitesse du mouvement. Un des problèmes majeur rencontré dans l’entrainement physique est d’apprécier le niveau de fatigue atteint par un sujet à l’issue d’une séance d’exercice. Il peut être mesuré par l’interprétation de la FC Grâce au cardiofréquencemetre ou par l’interprétation des signes cliniques extérieurs, comme la Fréquence respiratoire ou l’augmentation de la sudation. On peut également mesurer le taux de Lactate à travers les prises de sang démontrant ainsi le niveau de l’effort. Une charge physique bien dosée provoquera des adaptations de la part de l’organisme qui conduiront à une amélioration de la performance sportive ou au reconditionnement physique. Les stimuli provoqués par un état de fatigue modéré, ou l’homéostasie n’est que modérément et temporairement perturbé, sont certainement à l’origine des adaptations qui seront induites ultérieurement. Les échelles de Borg permettent d’évaluer l’effort subjectif et donne une information complémentaire qui permet à l’athlète dans ces entrainements ou durant une compétition de connaitre instantanément son niveau d’effort. Bien entendu selon les qualités de l’athlète les valeurs de lactate ou respiratoire peuvent se modifier. Il est préférable d’enregistrer l’évaluation de la perception de l’exercice en plus de la FC.
En moyenne, un RPE de 13 pour les femmes et 14 pour les hommes ou un CR10 à 5 correspondent au seuil d’anaérobie d’une population de jeunes adultes lors d’un exercice de pédalage sur ergocycle. Un niveau d’activité qui améliore les capacités cardiorespiratoire requiert un RPE supérieur à 17. A l’inverse, un exercice de santé correspond à un RPE de 13.
Quantification de la Charge d’entrainement (CE) :
A. Ben Belgith et Al. (2012) ont comparé les méthodes de quantification de la charge d’entraînement « Travail-Endurance-Récupération », « séance-CR10 » et Training impulse lors d’une période de réhabilitation athlétique chez le footballeur professionnel. En revanche, une charge physique excessive suivie d’une période de récupération insuffisante risquerait d’avoir des effets inverses ceux escomptés.
Application en rééducation cardiovasculaire :
En réadaptation fonctionnelle, cardiaque ou respiratoire, le RPE est un des critères de régulation de l’intensité de l’effort. Au cours d’un exercice des RPE à 9, 13, 15, 17 sont des niveaux d’effort perçu validé pour déterminer la tolérance à l’effort, prescrire son intensité et prédire les capacités utilisables dans la vie de tous les jours. L’estimation de la capacité d’endurance grâce au RPE est possible dans des efforts très variés (marche, course…)
Pour prescrire L’intensité de l’exercice il existe plusieurs méthodes. L’une des solutions consiste à utiliser la FCmax. Une autre solution consiste à utiliser la formule de Karvonen [FCrepos+%(FCmax-FCrepos)]. Le pourcentage pour prescrire la zone de travail est situé entre 60 et 80% de la FC de réserve. Cette formule génère des fréquences d’entrainement supérieures à celles obtenues avec la seule FCmax. Il est aussi possible de prescrire l’intensité sur une appréciation « subjective » de l’effort par le patient avec une cotation sur l’échelle de Borg RPE. La cotation sur cette échelle pour la zone de travail est située entre 12 et 15.
En pratique, si le programme s’effectue sur plusieurs semaines, il faut réévaluer régulièrement par un test d’effort les zones d’entrainement. La seule méthode pouvant se dispenser d’une réévaluation systématique est la méthode utilisant l’échelle de Borg.
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